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sans influer sur leur conduite, comme nous le verrons par la suite.

Quelques-uns seulement avaient reçu comme une teinte légère d’Islamisme. Les Foules avaient subi les premiers, dès le moyen âge, l’influence des Arabes ; puis, s’étant croisés avec les Yolofs, ils avaient donné naissance aux Tekrouri ou convertis, mot que les noirs prononcent Tokolor, et dont nous avons fait Toucouleur[1]. Mais, comme on peut le penser, ils n’avaient pas tardé à altérer les dogmes qui leur étaient transmis. Au xviiie siècle, un de nos administrateurs[2] constate que leurs croyances musulmanes sont mêlées des plus étranges superstitions. Les Yolofs, en particulier, croyaient qu’une sorte de personnage mythologique, « Abouderdail, a donné naissance à leurs premiers chefs… Il vient de l’Orient comme un envoyé de Mahomet pour leur faire connaître le dogme et la sublimité de l’Alcoran ». Dans cette légende, nous retrouvons seulement la trace de la marche de l’Islamisme venu de l’Est. Du reste, si ces noirs avaient été réellement musulmans, on sait que leur religion aurait défendu à leurs coreligionnaires de les vendre comme esclaves.

Ils étaient donc restés, en somme, de véritables païens, et par là ils étaient plus faciles à convertir. Nous avons noté déjà le rôle important joué par les religieux des différents ordres dans les premiers temps de la colonisation. C’est ainsi qu’ils ne manquèrent pas de s’attacher immédiatement à leur œuvre spirituelle. Leurs efforts furent plus heureux auprès des nègres qu’auprès des sauvages. Du Tertre[3] rapporte, en effet, que tous les missionnaires n’ont peut-être pas gagné à Dieu 20 sauvages depuis trente-cinq ans, tandis qu’ils ont converti plus de 15.000 esclaves. La constatation qu’il a faite du manque absolu de toute religion chez certains d’entre eux lui inspire cette réflexion : « En quoi nous pou-

  1. Girard de Rialle, op. cit., p. 84.
  2. Le Brasseur, op. cit., 1779.
  3. II, 501. Cf. aussi Labat, Nouveau voyage aux isles, etc. II. 88-89.