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l’influence prédominante du catholicisme au xviie siècle, et, en particulier, à ce moment où allait être promulguée la Révocation de l’Édit de Nantes. Les intérêts religieux sont plus que jamais au premier rang parmi les préoccupations de Sa Majesté très chrétienne.

Il importe, d’ailleurs, de signaler, dès le début de la renaissance de l’esclavage dans les temps modernes, l’idée de prosélytisme religieux dont s’inspirèrent les divers souverains. Montesquieu a remarqué combien elle encouragea les conquérants de l’Amérique dans leurs crimes : « C’est sur cette idée qu’ils fondèrent le droit de rendre tant de peuples esclaves ; car ces brigands, qui voulaient absolument être brigands et chrétiens, étaient très dévots[1]. » Par exemple, l’infant don Henri de Portugal, lorsqu’il envoie ses premières expéditions sur les côtes occidentales d’Afrique, recommande aux navigateurs de prendre des sauvages pour les amener à la connaissance du Christ[2]. Puis, lorsque les premiers sont exposés sur le marché de Lagos, « il considère avec un indicible plaisir, nous rapporte le chroniqueur Azurara[3], le salut de ces âmes qui, sans lui, eussent été à jamais perdues ». C’est ce même plaisir que devait éprouver Torquemada en condamnant ses victimes au salut éternel.

Les Espagnols eurent d’abord pour principe de n’introduire aux colonies que des noirs esclaves, chrétiens depuis leur naissance même. Dès 1506, il est ordonné aux maîtres de veiller à ce qu’ils assistent à la messe les dimanches et jours de fêtes[4].

Enfin, comme le dit encore Montesquieu[5] : « Louis XIII se fit une peine extrême de la loi qui rendait esclaves les nègres de nos colonies ; mais, quand on lui eut bien mis dans l’esprit

  1. Esprit des Lois, liv. XV, ch iv.
  2. Cf. Journal des Savants, 1841. Article de Magnin, p. 706.
  3. Op. cit., ch. xxxvi, p. 182. — F. Denis, Chroniques chevaleresques de l’Espagne et du Portugal, II, 49.
  4. Herrera, Histoire générale des Indes, déc. I, liv. VI, ch. xx.
  5. Loc. cit.