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somme, la moyenne annuelle pour les Antilles françaises, de 1780 à 1789, paraît avoir varié de 30 à 35.000.

Le dernier recensement des esclaves fait avant la Révolution nous est fourni par l’auteur anonyme d’un volume manuscrit des Archives Coloniales[1]. Il arrive à un total de 683.121 ; c’étaient les neuf dixièmes de l’ensemble de la population. Combien avait-il fallu arracher de noirs à l’Afrique pour atteindre à ce résultat ? Nous croyons ne pas exagérer en en fixant le nombre à 3 millions. Et notons que la traite ne finit véritablement pour les îles françaises d’Amérique qu’après 1830. Quelle effroyable quantité d’existences humaines sacrifiées !

Une question se pose : comment les nègres introduits aux Antilles en aussi grand nombre ne sont-ils jamais arrivés à se reproduire suffisamment pour qu’on n’eût plus besoin de recourir à la traite ? Cette idée se trouve indiquée dans une lettre de Fénelon, gouverneur de la Martinique, au Ministre, en date du 11 avril 1764[2]. « Un de mes étonnements a toujours été, dit-il, que la population de cette espèce n’ait pas produit, depuis que les colonies sont fondées, non pas de quoi se passer absolument des envois de la côte d’Afrique, mais au moins de quoi former un fond, dont la reproduction continuelle n’exposerait pas à être toujours à la merci de ces envois. » L’auteur de cette lettre expose ensuite quelles sont, d’après lui, les causes du peu de développement de la population voire : mauvaise nourriture, excès de travail imposé même aux négresses enceintes, maladies très fréquentes des négrillons et des négrittes. On ne fait aucune attention même à leur « éducation animale » ; on les voit en particulier exposés tout le jour dans les champs au soleil brûlant. Aussi Fénelon propose-t-il de faire dans chaque quartier un établissement où l’on enverrait les enfants des nègres et où ils seraient soi-

  1. Essai sur l’esclavage, F, 129, p. 124.
  2. Arch. Col., Col. en général, XIII, F, 90, et B, 119, Îles-sous-le-Vent, f° 1er. Instructions au comte d’Estaing, 1er janvier 1764, Le roi le charge d’étudier les causes de la dépopulation.