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au meilleur marché possible, ceux qu’elle importait. Le troc fut un des moyens qui favorisèrent le plus ce système abusif ; car, dans le troc, il est très difficile d’établir une commune mesure. 1° Les colons ne pouvaient se munir des objets manufacturés qui leur étaient indispensables, — vu le manque d’industrie aux îles, — qu’auprès des marchands français, en raison de la prohibition rigoureusement observée à l’égard de l’étranger ; — 2° ils ne connaissaient pour ainsi dire pas les conditions du marché français. Aussi étaient-ils forcés d’accepter les marchandises qu’on leur apportait et de les acheter au prix que leur imposaient les vendeurs. Pour les nègres, en particulier, plus ils étaient rares et, naturellement, plus ils se vendaient cher. Ne jamais en laisser manquer les îles, n’était-ce pas s’exposer à voir tarir cette source de revenus, si la reproduction arrivait à assurer le renouvellement régulier de la marchandise ? Faire des envois absolument réguliers, n’était-ce pas courir le risque d’abaisser le taux de leur valeur ? En revanche, encombrer le marché de la métropole de denrées coloniales, c’était en réduire aussi le prix. Ces considérations durent sûrement se présenter à l’esprit des vendeurs.

Il faut dire encore qu’ils n’étaient pas toujours assurés d’un paiement exact. À diverses reprises, il fut répondu aux réclamations des habitants que, s’il ne leur arrivait pas d’autres cargaisons de nègres, c’est que le montant des précédentes n’avait pas été acquitté. Ainsi, nous trouvons à ce sujet deux pièces significatives. C’est d’abord une lettre du roi, du 4 décembre 1672, à M. de Baas, portant que, dans le courant de l’année 1673, le recouvrement de 3 millions de sucre sera fait sur les débiteurs de la Compagnie. Cette lettre accompagne un arrêt du Conseil d’État ordonnant ledit recouvrement. Sa Majesté s’est fait représenter les comptes de ce qui est dû à la Compagnie jusqu’en décembre 1671, soit 20.030.000 livres de sucre, devant se réduire à 13.740.000. Elle accorde cinq ans pour le paiement des 10.740.000 livres