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III

Il est naturel que, se trouvant soumis au contrôle des administrateurs, les négriers aient cherché à se concilier leur bienveillance. Le 26 février 1683, la Compagnie royale d’Afrique, écrivant à son agent général, M. Ducasse[1], lui dit de céder aux Gouverneur et Intendant les nègres à raison de 220 livres en argent ou 4.400 livres de sucre, pour s’attirer leurs bonnes grâces, à condition qu’ils n’en prennent pas plus de 15 à 20 chacun par an. Mais il dut se produire immédiatement des abus. En effet, dès le 29 août 1686, le Ministre écrit au sieur Dumaitz[2] : « J’ai été surpris au dernier point que vous ayez pris par autorité 3 nègres du navire la Prudence, qui allait à Saint-Domingue, et 12 de la Renommée, destinée pour la Guadeloupe, sous un prétexte mandié (sic), pour revendre ensuite ces nègres de choix. Si vous recommencez, il ne pourra vous arriver rien de moins que de vous voir révoquer de votre emploi. » Cependant, l’avertissement du Ministre ne paraît pas avoir été suivi d’effet. Dans une lettre de Phelypeaux, gouverneur et lieutenant général des îles, du 27 avril 1711[3], il est question de 12 nègres qui, par l’usage, appartiennent de droit au gouverneur sur chaque bâtiment négrier qui en amène à la Martinique. En deux ans, ce droit lui a rapporté 28.800 livres. Un mémoire de la même année, de M. de Gabaret[4], nous apprend aussi que, « suivant un usage ancien, le général peut choisir 12 nègres à l’arrivée d’un négrier, en les payant chacun 300 livres, quoique communément ils vaillent davantage ». Le lieutenant pour le roi au gouverneur général en prend 8 ; l’intendant, 8 ; le gouver-

  1. Arch. Col., F, 248, p. 773.
  2. Arch. Col., B, 12, p. 11.
  3. Arch. Col., F, 250, p. 951.
  4. Arch. Col., C8, 18.