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met de fixer à environ 1.500 livres la valeur qu’avaient atteinte communément les esclaves vers la fin de l’ancien régime. En un siècle et demi, les prix étaient donc devenus 7 à 8 fois plus considérables[1]. En 1848, les esclaves furent estimés officiellement à 1.200 francs pièce.

En tenant compte de tous les frais et droits supportés, en même temps que des risques courus par les négriers, on peut encore évaluer, croyons-nous, à 50 % le montant de leurs bénéfices. Dans un mémoire concernant le commerce de la Compagnie d’Afrique, en 1703[2], on compte 1.000 nègres qui, tous frais déduits, produiront chacun au moins 200 livres de bénéfice net. Or, le prix moyen était alors d’environ 400 livres aux îles, ce qui donnerait 100 % de bénéfice. Il est vrai qu’il s’agit ici d’une sorte de prospectus et qu’il est bon de tenir compte de l’exagération des évaluations. Dans le règlement d’une association pour la traite des nègres, fondée en 1767[3], il est dit que « la traite des nègres a été dans tous les temps reconnue comme un des commerces les plus fructueux ». Dans celui que nous avons cité à la page 115, le profit est évalué à 90.394 livres par cargaison, soit environ 180 livres par tête. Comme on le sait, bien des grosses fortunes des habitants de nos ports, en particulier de Nantes et de Bordeaux, n’ont d’autre origine que la traite, soit au temps où elle était à la fois autorisée et encouragée, soit quand elle fut prohibée.

  1. Il ne s’agit ici que des nègres employés aux travaux qui n’exigeaient d’eux aucun apprentissage. Pour ceux qui avaient quelque talent particulier, on vit parfois les prix décupler. Ainsi Moreau de Saint-Méry nous apprend dans ses notes manuscrites — Arch. Col., F, 133, p. 289 — qu’en février 1788 M. Boury Joly refusa de M. le Chevalier du Fretty, 15.000 francs d’un mulâtre potier qui avait appris son métier en France.
  2. Arch. Col., C6, III.
  3. Arch. Nat., ZID, 102, A.