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d’un droit de 24 livres par tête au profit du roi : ce serait sans doute un moyen de « remédier aux inconvénients que la vente des cargaisons de noirs qui se fait à bord des vaisseaux occasionne par la communication des maladies pestilentielles que l’intérêt des capitaines leur fait cacher malgré les précautions des officiers de santé ». Mais, en revanche, les négociants des ports protestent « pour conserver la liberté dont les capitaines des bâtiments négriers ont toujours joui dans la vente de leurs cargaisons en rade ». Il est difficile de contenir les noirs rassemblés à terre en grand nombre ; puis, la réunion de plusieurs cargaisons cause de la confusion. Aussi paraît-il bon d’établir simplement le dépôt volontaire. — En fait, on n’avait le plus souvent pour la vente à terre que des abris insuffisants, mal clos, et trop étroits, où les malheureux étaient entassés. Les autorités avaient vainement à plusieurs reprises formulé des prescriptions à ce sujet[1]. Les administrateurs font, le 24 mai 1724, la description suivante de ce qu’ils ont vu : « La visite que le ministère public a fait faire de sept de ces magasins actuellement remplis nous a présenté le tableau révoltant de morts et de mourants jetés pêle-mêle dans la fange. » En somme, il n’y eut jamais de règle fixe ; seulement il semble, malgré tout, que c’est la vente à terre qui a prévalu.

De bonne heure, il s’était constitué des intermédiaires achetant en gros pour revendre en détail. Les habitants de la Martinique ayant adressé une pétition à M. de Tracy, gouverneur général des îles, celui-ci promulgue, le 17 mars 1665, un règlement[2] dans lequel il est dit à l’article 21 : « Il n’est permis à aucuns habitants ni autres d’acheter des nègres des maîtres des navires, d’en faire regretage (c’est le commerce des revendeurs) et les survendre. » Un arrêt du Conseil

  1. Cf. Ord. royales, 25 juillet 1708, 3 avril 1718, 25 juillet 1723 ; — Ord. des Adm., des 24 avril 1721, 22 septembre 1753 ; — Arr. du Cons. sup. du Port-au-Prince, du 22 janvier 1766 ; — Lettre de l’intendant, du 10 juin 1773. Ces documents sont cités par Trayer, op. cit., p. 17.
  2. Moreau de Saint-Méry, Loix et Constitutions, etc., I, 138.