Page:Peytraud - L'esclavage aux Antilles françaises avant 1789, 1897.djvu/139

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

d’ailleurs qu’ils s’empoisonnaient eux-mêmes avant de partir et mouraient ainsi d’une sorte de consomption lente. Aussi les Français ne faisaient-ils guère la traite de ces côtés, quoique le prix des nègres y fût souvent de moitié moins cher. Voici la partie de ce témoignage la plus caractéristique et que nous croyons pouvoir être adoptée comme l’expression de la vérité générale : « J’ai vu, dans tous les voyages de la côte d’Angolle, la perte ne pas excéder 4 et 6 % et, dans ceux de la côte d’Or, de 8 à 10 %. J’ai même connu plusieurs voyages d’Angolle où la perte ne dépassait pas 2 et 3 %. » Et notre auteur conclut : « J’ose affirmer que pas une nation ne traite les captifs avec plus de soins, d’égards, de considération et d’humanité que les Français. Aussi en perdons-nous beaucoup moins. » D’après lui, nous en revenons donc à peu près à la moyenne de 7 à 8 % de perte indiquée tout d’abord. Nous voyons ce chiffre ramené pour les besoins de la cause à 5 % dans le Règlement d’une association de commerce maritime pour la traite des nègres[1] ; en effet, il est question de six cargaisons à faire dans les ports de Bordeaux, Nantes et Le Havre ; les navires doivent pouvoir contenir à l’aise de 460 à 500 nègres. Seulement on a soin de calculer que chaque cargaison de 500 sera réduite à 475 à l’arrivée. Mais il paraît évident qu’on ne fait entrer en ligne de compte que le minimum de déchet, pour ne pas décourager les actionnaires. En effet, écrit encore officiellement un administrateur : « On évalue communément la perte des noirs depuis le départ de la côte d’Afrique jusqu’à l’introduction dans nos colonies à sucre sur le pied de 7 à 8 %. Il peut cependant se faire que, dans certaines circonstances, soit faute de bons vivres, ou par des embarquements trop nombreux sur les navires, la mortalité surpasse cette évaluation[2]. »

  1. Arch. nat., ZID, 139. Fascicule imprimé, sans date. — Cf. Arch. Col., F, 138, p. 403 : La perte depuis la traite jusqu’à l’arrivée = 7 %.
  2. Arch. Col., carton Police des nègres, Afrique. Lettre de M. Delessart à M. le marquis de Castries, ministre de la Marine, 7 juin 1782.