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cercle : chaque bout est percé d’un trou à travers lequel passe une barre, qui relie les différents anneaux servant à enserrer les jambes d’une rangée de nègres. Dans le compartiment où ils sont enfermés la nuit, il serait impossible qu’ils pussent se mettre debout. Ce n’est que dans les grands vaisseaux qu’il y a place, et encore pas toujours, pour se tenir droit immédiatement sous le caillebotis ; mais, dans les petits, il est rare que la hauteur dépasse 4 pieds. Le capitaine cite encore plusieurs voyages qu’il a faits et où les nègres embarqués en trop grand nombre n’avaient même pas assez de place pour se coucher sur le dos. Il ajoute qu’il n’a jamais vu qu’il fût nécessaire d’user de violence pour les faire danser. Sans doute à la torture de l’immobilité forcée dans un espace restreint ils devaient encore préférer cette manière de délasser leurs membres ankylosés. Mais, s’ils les avaient trop raidis pour se livrer à cet hygiénique exercice, on avait vite fait de les stimuler à l’aide de quelques coups de fouet. Aussi quelle rancune dans le cœur de ces misérables pour qui un de leurs amusements favoris devenait ainsi un supplice nouveau !

Naturellement les bourreaux ne prennent pas le soin de raconter leurs exploits. Aussi les documents sont-ils rares qui nous font connaître exactement ce qui se passait à bord des bâtiments négriers. Cependant nous savons que, malgré toutes les précautions prises, il fallait encore compter de temps en temps avec les révoltes. Mais alors la répression était impitoyable. En 1724[1], par exemple, un capitaine, sur le simple soupçon que ses nègres voulaient se révolter, en condamne deux à mort. Le premier est égorgé devant les autres ; il lui fait arracher le cœur, le foie et les entrailles, ordonne de les partager en 300 morceaux et contraint chacun de ses esclaves à en manger un, menaçant du même supplice ceux qui refuseraient. Le second était une femme : suspendue à un mât, elle fut d’abord fouettée jusqu’au sang ;

  1. Le More-Lack, p. 47 et sqq.