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Pour repartir, on remet les fers aux hommes, tandis que les femmes sont toujours laissées libres. On place d’abord les hommes dans l’entrepont, jusqu’à ce qu’on ait perdu la terre de vue ; puis, on les fait monter peu à peu sur le pont, en redoublant d’attention, « pour tâcher de s’apercevoir de la sensation que leur fait le départ de la terre. S’ils paraissent tranquilles et contents, on leur ôte les menottes et quelquefois les fers. » Le jour, les femmes sont souvent parmi les officiers.

Le capitaine Guillaume Littleton nous apprend[1] que quelques nègres seulement sont sujets au mal de mer, au début de la traversée, pendant deux ou trois jours.

Du Congo ou de la côte d’Angola on part directement pour l’Amérique. On est dans l’usage, en attendant le départ, de faire venir à bord deux « fils de terre ou bombes », qui apprennent aux captifs à danser. Il faut avoir soin de proportionner le nombre de nègres à la quantité de vivres, d’eau et de bois que peut contenir la cale du navire, pour assurer leur nourriture. On calcule une barrique d’eau par individu, et 10 tonneaux de vivres pour 100 têtes de captifs. Il est bon de les nourrir, autant qu’on le peut, avec de la nourriture de leur pays, soit du petit mil ou du riz. Dès le matin, on leur donne un peu de biscuit, puis on leur sert deux repas par jour, de neuf heures et demie à dix, et de trois heures et demie à quatre. Ils ont une gamelle d’une pinte pour 10. En dehors des repas, on leur donne à boire entre midi et une heure. Une fois ou deux par semaine, on les ranime par « un petit coup d’eau-de-vie ». Certaines traversées durent jusqu’à soixante-quinze et quatre-vingts jours, si l’on a beaucoup de calmes ; mais généralement on ne met guère que la moitié de ce temps.

Voici une analyse du Règlement destiné aux navires négriers. Mais il resterait à savoir comment il était appliqué

  1. Arch. Col., F, 61. Enquête de 1789.