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dant le cours de la traversée jusqu’à l’Amérique[1] ». À vrai dire, l’auteur, qui ne se nomme pas, nous a paru suspect d’une certaine partialité ; aussi lui opposerons-nous d’autres témoignages.

Les nègres, rapporte-t-il, ont été d’abord, au fur et à mesure des achats, réunis au tronc, qui est une espèce d’abri ou de prison, où le tronquier les surveille et les soigne[2]. Pour les conduire au navire, on ne leur met que des poucettes. On fait passer les femmes en arrière de la ranbarde, qui est une sorte de cloison de 10 pieds de haut, élevée sur le milieu du pont dans toute sa longueur et munie de pointes ou de clous. Quant aux hommes, ils restent sur le pont ; et aux plus forts on met des fers aux pieds et des menottes.

Les navires qui partent de la côte d’Or relâchent aux îles portugaises du Prince ou de Saint-Thomas. On y fait descendre toute la cargaison qui, dès ce moment, est nourrie avec des vivres frais. Le séjour est ordinairement de trois semaines et quelquefois même de six. On décharge le navire, on le nettoie et on le dispose pour la traversée. Pendant ce temps, on ôte les fers aux nègres, on les mène régulièrement se promener et se baigner. La nuit, on sépare les hommes d’avec les femmes et on les entoure de la plus étroite surveillance pour qu’ils ne puissent pas combiner de complot à exécuter durant la traversée. Bien plus, on a soin de ne pas placer à côté les uns des autres ceux qui sont de même origine. Du moment qu’ils ne se comprennent pas, c’est une sécurité de plus ; que ce soit aussi pour eux une torture de plus, c’est ce dont s’inquiète peu le négrier. Les malades sont soignés à part ; mais c’est moins encore par humanité que pour éviter la contagion.

  1. Arch. Col., F, 61, 1790.
  2. On rassemble les noirs de traite dans des truncks, « qui sont des salles de putréfaction ». Le More-Lack, etc., p. 34. L’auteur dit qu’il tient ses renseignements d’un nègre affranchi. More-Lack désigne ledit nègre.