Page:Peytraud - L'esclavage aux Antilles françaises avant 1789, 1897.djvu/129

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

humaines pour les sacrifices qui, à cette époque, étaient pratiqués à peu près couramment sur tous les points de la côte. « L’état d’esclave en Afrique, lisons-nous dans un autre document[1] est beaucoup plus cruel que chez nous, à ce que nous disent les captifs eux-mêmes. D’ailleurs, il suffit de dire que, par toute l’Afrique, les maîtres ont droit de vie et de mort sur leurs captifs ; et souvent, s’il ne se trouvait pas des navires en traite sur la côte, la majeure partie de ces malheureux seraient sacrifiés par leurs maîtres, soit à leur culte ou à des fêtes qu’ils célèbrent dans différents temps de l’année en mémoire de leurs ancêtres ; d’après les rapports des nègres, ces usages ont existé dans tous les temps parmi eux. » En somme, n’oublions pas que ce sont là des vues optimistes de négrier. Et, à constater d’ailleurs, par les récits de témoins oculaires[2], la résignation insouciante avec laquelle ils se laissent immoler, on est en droit de croire qu’ils auraient encore mieux aimé subir ce sort que d’être condamnés à un travail forcé. Si ceux qui ont fait le trafic des nègres avaient eu des intentions si philanthropiques, ils auraient dû s’attacher à ne faire d’eux que des serviteurs libres et à les améliorer par l’éducation. Mais cette conception ne leur eût assurément paru digne que de rêveurs naïfs. Peu leur importe, d’ailleurs, ce que peuvent ressentir ces androïdes. Qu’ils vivent, c’est assez, pour qu’on puisse tirer d’eux bon parti et beaux bénéfices. Le traitant n’a pas d’autre idée. Nous allons bien le voir encore par la manière dont il installe à bord ses colis humains.


  1. Arch. Col., F, 61. Copie du Journal tenu par M. Gourg, directeur, pendant son voyage aux Coutumes chez le roi Dahomet. Daté de Beaumé, 26 février 1788.
  2. Ib., ib., — et Réponse à Messieurs les philanthropes anglais.