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la pièce et sont vendus aux îles 300 livres au moins ». À Gorée, on peut traiter aussi par an 200 captifs revenant à 36 livres en moyenne. Il estime qu’il y a au minimum 200.000 livres de bénéfice annuel pour la Compagnie. D’autre part, en 1784, le prix d’un nègre fut porté jusqu’à 130 barres[1]. L’auteur qui nous fournit ces renseignements évalue alors la barre à 5 livres. Mais un autre[2] ne lui donne comme valeur que 3 livres argent de France. En prenant la moyenne, on arrive au prix de 520 livres[3].

Généralement on faisait des lots d’hommes, de femmes, d’enfants, de jeunes et de vieux, de robustes et de malingres, pour faire passer les médiocres ou les mauvais, et c’est ainsi qu’on établissait une sorte de prix moyen.

Les meilleurs nègres sont qualifiés de pièces d’Inde. Cette expression, que l’on retrouve fréquemment, désigne à l’origine des nègres tels que les Portugais avaient l’habitude d’en acheter pour leurs colonies des Indes. Ainsi, dans un traité passé entre les Compagnies du Sénégal et de Guinée et les habitants de Saint-Domingue, le 21 janvier 1698, il est question de la fourniture de 1.000 nègres, dont « deux tiers de mâles et un tiers de femelles, réduits en pièces d’Inde, suivant l’usage des îles d’Amérique[4] ». Voici la définition que donne à ce sujet l’Encyclopédie méthodique[5] : « On appelle … nègre pièce d’Inde un homme ou une femme depuis quinze ans jusqu’à vingt-cinq ou trente ans au plus, qui est sain, bien fait, point boiteux et avec toutes ses dents. — Il faut trois enfants au-dessus de dix ans jusqu’à quinze pour faire deux pièces et deux au-dessus de cinq ans jusqu’à dix pour faire une pièce. Les vieillards et les malades se réduisent

  1. Labarthe, Voyage au Sénégal, p. 48.
  2. Lamiral, L’Affrique et le peuple Affriquain, etc., p. 365.
  3. Cf. Arch. Col., F, 61. En 1789, le capitaine Macintosh déclare qu’il a payé 16 ou 18 livres sterling les hommes d’élite, et 12 les femmes ; ce sont, dit-il, des prix extraordinairement bas. Il les revendait de 28 à 40 livres sterling.
  4. Moreau de Saint-Méry, Loix et constitutions, etc, I, 577.
  5. Commerce, III, 1783. Art. Nègres, p. 321 et sqq.