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SUR CONRART.

plus vertueux ; l’on aspiroit sans cesse au sommet de la perfection et de la sagesse, sans s’imaginer faussement qu’on y étoit déjà parvenu… Là, chacun étoit maître et disciple à son tour ; chacun donnoit et recevoit ; tout le monde contribuoit à un si agréable commerce ; inégaux, mais toujours d’accord. Celui qui étoit repris et corrigé s’estimoit plus heureux que celui qui corrigeoit ; le vaincu s’en retournoit plus glorieux, plus satisfait et plus chargé de dépouilles que le vainqueur[1]. »

Les académiciens continuèrent à s’assembler pendant quatre années environ, « avec un plaisir et un profit incroyable, dit Pellisson ; de sorte que quand ils parlent encore aujourd’hui de ce temps-là…, ils en parlent comme d’un âge d’or, durant lequel, avec toute l’innocence et toute la liberté des premiers siècles, sans bruit et sans pompe, et sans autres lois que celles de l’amitié, ils goûtoient ensemble tout ce que la société des esprits et la vie raisonnable ont de plus doux et de plus charmant[2]. »

Conrart se distinguoit dans ces conférences par la pureté de son goût, et par une sagacité d’autant plus remarquable qu’elle n’avoit point dû son développement aux secours d’une première éducation. « Jamais, lui écrivoit Balzac, naissance ne fut si heu-

  1. On a reproché à Despréaux de s’être laissé entraîner par son penchant satirique jusque dans son remercîment à l’Académie. Mais l’abbé de La Chambre, dans le parallèle qu’il établit entre les commencemens de l’Académie et ce qui se passoit de son temps, semble avoir été plus loin que le poëte ; à moins que son discours ne fût principalement dirigé contre Furetière, avec lequel les démêlés de l’Académie étoient déjà commencés.
  2. Histoire de l’Académie, tome 1, page 7.