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[1649] MÉMOIRES

Le président de Mesmes prit la parole, et lui dit : « Non, monsieur, vous ne devez point sortir, à moins que la compagnie ne l’ordonne. Si M. le coadjuteur souhaite que vous sortiez, il faut qu’il le demande par une requête. Pour lui, il est accusé il est de l’ordre qu’il sorte ; mais puisqu’il en fait difficulté il faut opiner. » On étoit si échauffé sur cette accusation, et contre ces témoins à brevet, qu’il y eut plus de quatre-vingts voix à nous faire demeurer dans nos places, quoiqu’il n’y eut rien au monde de plus contraire aux formes. Il passa enfin à la pluralité des voix que nous nous retirerions ; mais cependant la plupart des avis furent des panégyriques pour nous, des satires contre les ministres, et des anathêmes contre les brevets.

Nous avions des gens dans les lanternes[1], qui ne manquoient pas de jeter des bruits de ce qui se passoit dans la salle. Les curés et les habitués des paroisses ne s’oublioient pas le peuple accourut en foule de tous les quartiers de la ville au Palais. Nous y étions entrés à sept heures du matin, et nous n’en sortîmes qu’à cinq heures du soir. Dix heures donnant un grand temps pour s’assembler, l’on se portoit dans la grand’salle, dans la galerie, dans la cour et sur le degré. Il n’y avoit que M. de Beaufort et moi qui ne portassions personne et, qui fussions portés cependant on ne manqua point de respect ni à Monsieur ni à M. le prince. On n’observa pourtant pas tout ce qu’on leur devoit car en leur présence une infinité

  1. Les lanternes : C’étoient de petits cabinets boisés qui donnoient sur la salle où se réunissoient les chambres. C’étoit là que se plaçoient ceux qui vouloient écouter les plaidoyers sans être vus.