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président de Mesmes, et qui étoit dans ce temps-là dans les intérêts de M. le prince, me dit « Vous êtes donc armés ? — Qui en doute ? lui répondis-je. » Voilà une seconde sottise en un demi quart-d’heure. Il n’est jamais permis à un inférieur de s’égaler en paroles à celui à qui il doit du respect, quoiqu’il s’y égale dans l’action et il l’est aussi peu à un ecclésiastique de confesser qu’il est armé, même quand il l’est. Il y a des matières sur lesquelles il est constant que le monde veut être trompé. Les actions justifient assez souvent, à l’égard de la réputation publique, les hommes de ce qu’ils font contre leurs professions : je n’en ai jamais vu qui les justifient de ce qu’ils disent, qui y soit contraire.

Comme je sortois de la grand’chambre, je rencontrai dans le parquet des huissiers M. de La Rochefoucauld qui rentroit. Je n’y fis point de réflexion, et j’allai dans la salle pour prier mes amis de se retirer. Je revins, après le leur avoir dit ; et comme je mis le pied sur la porte du parquet, j’entendis une fort grande rumeur de gens dans la salle, qui crioient aux armes. Je me voulus retourner pour voir ce que c’étoit je n’en eus pas le temps. Je me sentis le cou pris entre les deux battans de la porte, que M. de La Rochefoucauld avoit fermée sur moi, en criant à messieurs de Coligny et de Ricousse de me tuer[1]. Le

  1. De me tuer : Le duc de La Rochefoucauld raconte cet événement d’une toute autre manière. On auroit pu croire dit-il, que cette occasion tenteroit le duc de La Rochefoucauld après tout ce qui s’étoit ce passé entre eux, et que les raisons générales et particulières le pousseroient à perdre son plus cruel ennemi. Outre la satisfaction de ̃s’en venger en vengeant M. le prince des paroles audacieuses qu’il venoit de dire contre lui, on pouvoit croire encore qu’il étoit juste