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quelque part qu’il fust donné à Sa Majesté. Et comme les preparatifs s’en dressoient, le prince de Condé en eut quelque advertissement. Aussi est-il mal aisé d’esventer quelque Chose à la cour des roys et grands princes, et le communiquer à plusieurs, que l’on n’en sçache bien-tost des nouvelles : car bien souvent les roys n’ont pas moins d’espions que de serviteurs en leurs maisons. Lors le prince de Condé fit semblant d’aller à la Cour, et, envoyant son train à Blois, tourna soudain vers Poictiers, où il trouva Genlis, lequel il chargea d’asseurer la Reyne sa mere de son très-humble service, et qu’il estoit entierement resolu de leur estre très-bon sujet et serviteur, les suppliant de luy permettre qu’il pust vivre en liberté de conscience ; et de là tira droit en Bearn vers le roy de Navarre.

Genlis ayant dit sa charge au Roy et à ceux de Guyse, desquels il estoit particulierement serviteur, l’on jugea dèslors et prit-on pour un argument très-certain que le prince de Condé, avec les autres advis que l’on en avoit, se feroit chef des protestans, qui depuis s’appellerent huguenots[1] en France : dont

  1. Huguenots. On attribue aussi l’origine de ce nom, donné aux protestans, à un mot allemand qui signifie association, alliance. A l’époque de la coujuration d’Amboise, les protestans soutenoient que ce sobriquet leur avoit été donné pour jeter du ridicule sur la maison régnante qui descendoit de Hugues Capet, et pour favoriser les prétentions des Guise, qui se disoient issus de Charlemagne. « Les Guise, écrivoient-ils, ont de long-temps composé par ensemble un sobriquet et mot à plaisir, par dérision de ceux qu’ils disent estre descendus dudict Hugues Capet, les appelant Huguenots, et enveloppans dans une telle contumelie, non seulement ceux qui s’efforcent de maintenir le florissant estat du royaume, mais aussi la personne du Roy nostre maistre, messeigneurs ses freres et tous les princes du sang. » Mémoires de Condé, tome I, page 22.