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propos, que c’estoit chose estrange de leur envoyer demander conseil de ce qu’il falloit faire pour la guerre ; et lors, fort agitée de douleur, me dit par moquerie : « Il faut demander à la nourrice du Roy si l’on donnera la bataille. » Lors l’appellant : « Nourrice, dit-elle, le temps est venu que l’on demande aux femmes conseil de donner bataille : que vous en semble ? » Lors la nourrice suivant la Reyne en la chambre du Roy, comme elle avoit accoustumé, dit par plusieurs fois, puis que les huguenots ne se vouloient contenter de raison, qu’elle estoit d’avis que l’on leur donnast la bataille. Et continua ce propos entre quelques-uns qui lui parloient, comme chacun en discouroit alors selon sa passion.

À l’instant la Reyne me dit, en faisant sortir ladite nourrice, et quelques autres qui estoient en la chambre du Roy, qu’elle ne me pourroit dire pour sa part autre chose que ce qu’elle m’avoit dit, mesmement pour donner conseil à des capitaines ; aussi que l’on ne leur pouvoit rien prescrire de la Cour, et que j’avois vu ce qu’en disoit la nourrice du Roy, auquel je présentay les lettres ; et s’y trouvèrent le prince de la Roche-sur-Yon, le Chancelier, les sieurs de Sipierre, de Vieilleville, depuis mareschal de France, Carnavalet et quelques autres du conseil privé. Et comme je faisois mon récit de ce qui m’avoit esté commandé par lesdits chefs, et pressois pour m’en retourner l’après-disnée, afin de les résoudre sur le fait de donner la bataille, Losse arriva de la part desdits seigneurs avec semblable charge que la mienne. Sur cela y eut plusieurs discours du bien et du mal qui en pourroit arriver.

Mais la résolution fut que ceux qui avoient les ar-