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renvoyé au Havre de Grace ; mais, voyant que c’estoit chose inutile de parler d’y faire aucune composition, je trouvay moyen de me faire libérer entièrement de ma foy, en faisant rendre quelques prisonniers, après avoir recognu tout ce qui se pouvoit de la place, et de l’ordre que tenoient les Anglois : lesquels s’estonnoient de voir Rouen serré de si près, qu’il eust esté pris vingt jours plustost qu’il ne fut, si l’on n’eust esperé d’y faire quelque composition, comme l’on en chercha tous les moyens, ayant souvent ouy dire au duc de Guise qu’en vingt-quatre heures il eust pris la ville d’assaut, si le Roy eust voulu : mais le chancelier de L’Hospital insistoit tousjours qu’il ne la falloit forcer, et que c’estoit une mauvaise conqueste que de conquérir sur soy-mesme par armes, et que si cette ville estoit pillée, Paris s’en ressentiroit, et les estrangers qui y avoient leurs biens en demanderoient la raison au Roy. L’on envoya le capitaine des gardes escossoises et le sieur d’O députez, pour voir s’il se pourroit faire quelque accord ; mais ceux de dedans demeurèrent résolus en leur opiniastreté.

Le roy de Navarre, prince vaillant, et jaloux de l’honneur plus que de la vie, estant dedans le fossé fut blessé en l’espaule droite, dont il mourut, ainsi que je diray cy-après. Le duc de Guise, voyant l’obstination des assiégez, et principalement du comte de Montgommery, lequel fît paroistre autant d’opiniastreté que de courage, m’envoya par plusieurs fois des tranchées, et mesme du fossé, devers le Roy, la Reyne sa mère et leur conseil, qui estoient au mont Saincte-Catherine, pour leur dire que s’ils vouloient la ville seroit prise en moins de deux ou trois heures, ce qu’il ne