Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 1re série, tome 33.djvu/156

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ils demeurèrent ou feignirent estre contens, et à l’instant s’embrassèrent, promettans de s’aimer comme parens : tellement qu’il ne restoit plus que le cardinal de Lorraine à accorder avec le prince de Condé ; mais d’autant qu’il ne faisoit pas profession des armes comme les autres, il ne falloit pas tant demeurer sur la réputation ny sur le poinct d’honneur qu’avec les gens de guerre, qui font profession d’employer la vie pour deffendre l’honneur : neantmoins le prince de Condé demeuroit toujours avec ressentiment contre le cardinal de Lorraine, pensant qu’il estoit cause du danger qu’il avoit couru.

Cependant l’edict fut vérifié et publié es parlemens, après trois jussions et très-exprès mandemens. Alors les ministres[1] preschèrent plus hardiment, qui çà qui là, les uns par les champs, les autres en des jardins et à découvert, par tout où l’affection ou la passion les guidoit, et où ils pouvoient trouver du couvert, comme es vieilles sales et masures, et jusques aux granges ; d’autant qu’il leur estoit deffendu de bastir temples, et

  1. Alors les ministres. Les ministres protestans avoient été convoqués à Saint-Germain, à l’époque de l’édit de janvier. Ils firent d’abord une déclaration par laquelle ils invitèrent leur troupeau à s’y conformer. Puis ils envoyèrent une circulaire à toutes leurs églises. Elle commence ainsi : « Grâce et paix par Nostre Seigneur Jésus-Christ. Très-chers frères, vous scavez que de tout temps l’obeissance que les hommes doivent à leurs princes et supérieurs, après celle qu’ils doivent à Dieu, a esté fort recommandée, tant pour le repos de leurs consciences que pour la conservation de la paix et tranquillité publique. » On voit ensuite qu’ils se flattent d’obtenir bientôt de nouvelles concessions. « Il faut considérer, ajoutent-ils, que si nous sommes privés pour un temps de quelque commodité, le grand bien qui s’offre de l’autre costé, doit effacer l’ennui qui en pourroit venir ; joint que ce n’est pas le dernier bénéfice que nous esperions de la main de nostre Dieu, par le moyen de nostre Roy. »