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repos, fraya le chemin à l’envie. Et comme la reyne d’Escosse estoit douée d’infinies perfections et de grande beauté, elle fut recherchée à cette occasion de plusieurs grands princes, comme de celuy d’Espagne, qui n’avoit lors que dix-sept ou dix-huict ans, de l’archiduc d’Austriche et de plusieurs princes d’Italie. Cela apporta incontinent de la jalousie à la reyne Elizabeth d’Angleterre, quelque démonstration qu’elle luy fist de la vouloir aimer comme sa sœur et plus proche parente. Et ainsi ces deux Reynes en une mesme isle commencèrent à se prendre garde, et espier les actions l’une de l’autre.

Mais la reyne d’Angleterre, comme elle avoit un plus grand royaume, aussi avoit-elle plus de prospérité en toutes ses affaires, comme elle a continué jusques à présent : non que cela luy vint de grandes superfluitez ni dons immenses qu’elle fist, car elle a tousjours esté grande ménagère, sans toutesfois rien exiger de ses sujets, comme ont fait les autres roys d’Angleterre ses prédécesseurs, et n’ayant rien eu en plus grande recommandation que le repos de ses peuples, qui se sont merveilleusement enrichis de son règne. Cette princesse ayant toutes les grandes qualitez qui sont requises pour régner long temps, comme elle a fait, quelque bon esprit qu’elle eust, toutefois n’a jamais voulu rien décider ny entreprendre de son opinion ; mais a toujours remis le tout à son conseil. Et pourroit-on dire de son règne ce qui advint au temps d’Auguste, lorsque le temple de Janus fut fermé à Rome par la paix universelle qu’il avoit de son temps. Ainsi la reyne d’Angleterre s’estant garantie de toutes guerres, en les rejettant plustost sur ses voisins