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CONTES MYTHOLOGIQUES

L’œuvre de Legouais a eu du succès, malgré son immense étendue[1] et l’ennui qu’elle distille pour nous. La preuve en est dans les quatorze mss. qui en ont été conservés[2] dans la seconde rédaction de Berçuire, dans la traduction qu’a publiée, en 1484, le célèbre imprimeur de Bruges, Colas Mansion, de la première rédaction, en y joignant de nombreuses additions d’après Legouais, enfin dans la traduction en anglais (en partie perdue) qu’a faite du livre de Colas Mansion le non moins célèbre imprimeur Caxton († 1491)[3].

II. Imitations de « l’Art d’aimer ». — 1. Maître Élie. — L’Art d’aimer d’Ovide a exercé une influence considérable sur le développement des théories de l’amour, qui forment une partie si importante de la littérature du moyen âge[4] ». Il ne faut donc pas s’étonner qu’il ait été librement traduit en français au moins cinq fois, quatre fois en vers, une fois en prose. La plus ancienne de ces traductions, celle de Chrétien de Troyes[5], est malheureusement perdue, mais il nous en reste encore quatre, dont une, celle de Maître Élie (xiiie siècle), n’a plus que 1305 vers, qui conduisent la traduction jusqu’au vers 328 du livre II. Cette dernière est surtout intéressante par le début, où l’auteur, sans doute un Parisien, indique les endroits que fréquentent les dames et les demoiselles : l’île, les prés de Saint-Germain, où elles vont « caroler » ; l’église, où la plupart vont plutôt pour être vues et pour voir que pour prier[6], et surtout les « jeux » des clercs, par

    aimée par celui qui est le vrai soleil ; Apollon se couronne du laurier qui est Dane : c’est Dieu qui s’enveloppe du corps de celle dont il fait sa mère. » Voir G. Paris, l. l., p. 64, 65.

  1. Outre les fables contenues dans les quinze livres des Métamorphoses, elle comprend l’histoire de Phrixus et Hellé, d’Héro et de Léandre, les noces de Thetis et de Pelée, le Jugement de Paris, etc. Peut-être est-ce une preuve qu’il suivait un recueil en prose latine contenant toutes ces histoires. Nous avons émis, on s’en souvient, une hypothèse semblable à propos du Roman de Thèbes et de l’Eneas.
  2. Un de ces mss., B. N., fr. 870, réduit le poème à 40 000 vers environ, en supprimant en partie les explications morales ou allégoriques, de préférence ces dernières, afin de ne pas laisser sans antidote le poison des fables païennes. Cf. G. Paris, loc. laud., p. 71.
  3. On n’a pas encore déterminé les rapports que peuvent avoir avec l’œuvre de Legouais les diverses moralisations d’Ovide en italien et celle en allemand de Lorich, imprimée à Mayence en 1545, avec le renouvellement de la traduction d’Albrecht par Georges Wickram.
  4. G. Paris, l. l., p. 4.
  5. Cil qui fist d’Erec et d’Enide, Et les comandemenz d’Ovide Et l’Ars d’amor en romans mist, dit-il lui-même au début du Cligès.
  6. Cf. Ovide, De Arte amator., I. 99 : Spectatum veniunt, veniunt spectentur ut ipsæ.