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en cette créature qu’il jugeait malgré lui si différente de celles qu’il avait approchées jusqu’alors.

Elle l’interrogeait encore.

— Où demeurez-vous ?

Il hésita, puis mentit :

— Rue Armand-Carrel, 23.

Et, tout de suite, il eut honte du sentiment qui lui avait fait donner l’adresse de Gérald Lagoutte, un camarade, presque un bourgeois, et relativement bien logé, au lieu d’indiquer franchement la rue de la Verrerie, où la veuve Lavenir, sa mère, débitante de vin, lui réservait une chambre étroite et obscure.

Cependant, il s’excusa lui-même. Si vraiment cette femme voulait le visiter, ils seraient plus tranquilles chez Gérald que chez lui, où Louise, sa maitresse pouvait venir le relancer à tout moment.

Ruth l’examinait curieusement.

— À quoi travaillez-vous ?

Je suis coupeur aux ateliers Weill.

Elle chercha un instant dans sa mémoire. Weill, le grand fabricant de vêtements tout faits pour hommes ?… Oui, un métier propre… Voilà pourquoi les mains de l’ouvrier n’étaient pas gâtées.

Maintenant, elle considérait ses yeux de rêveur et d’exalté.

— Vous lisez beaucoup ?

— Tant que je peux.

— Socialiste ?… Anarchiste ?…

Il se redressa avec fierté et ne répondit rien, gêné et irrité du sourire indulgent qu’avait la jeune femme.