Page:Perochon - Nene.djvu/95

Cette page a été validée par deux contributeurs.
89
NÊNE.

Elle secoua sa tête brune hérissée de papillotes et murmura :

— Un de perdu.. m’en faut trouver deux autres.

Et, comme à vingt ans elle avait déjà l’expérience des hommes, comme elle connaissait l’appât dont ils sont friands, elle se pencha sur le corsage faufilé et, en deux coups de ciseaux, elle ouvrit un V plus grand que celui du catalogue.

Aux Moulinettes, le malheur arrivé le jour de la batterie avait jeté de la tristesse sur tout le monde. Lorsque Madeleine donnait des nouvelles aux gens de l’endroit et aux voisins venus pour savoir, une grande commisération se devinait aux paroles échangées.

Boiseriot lui-même pâlissait à ces moments-là et, lui qui avait vu, ne consentait pas volontiers à raconter l’accident. Mais il était trop mauvais pour que son cœur fût net ; sa pitié n’était qu’un peloton de fil accroché à toutes les pointes d’un buisson d’épines. Peut-être éprouvait-il un vague remords ou, plutôt, la crainte d’avoir commis un péché trop grave qu’aucune pénitence n’effacerait ; en tous les cas, cela se mêlait à une vilaine joie de vengeance satisfaite.