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Ils haussaient les épaules, les deux valets et le jeune maître, habitués qu’ils étaient à vivre au milieu des bêtes.

Gédéon n’approchait jamais du taureau sans le taquiner ; le taureau répondait, faisait cliqueter sa chaîne et, la tête basse, lançait un long beuglement de menace qui roulait dans sa gorge épaisse. Le valet se moquait :

— Beû eû ! Beû eû !… La lutte, Géant !

Quelquefois il l’empoignait par les cornes et le taureau, pris au jeu, poussait ferme.

Les choses, peu à peu, se gâtèrent. Mais le gars ne cédait pas, prenant un acre plaisir, quand il était seul, à essayer dangereusement ses jeunes forces, il luttait véritablement avec la bête, cognait avec ses sabots, se garait de la corne encore hésitante.

Un jour enfin, cela devint vilain. Géant commença et s’y mit tout de bon. Le jeune homme n’eut que le temps de sauter hors de la stalle, laissant tomber sa brassée de fourrage.

— Qu’est-ce que tu as ? fit Michel qui arrivait.

— C’est Géant, patron… si je n’étais pas sorti, il me boutait dans la crèche.

Michel prit mal la chose.

— Si tu le laissais tranquille aussi… Pas la peine d’agacer les bêtes et de leur envenimer le caractère… surtout quand on est craintif comme tu l’es ?

Le gars reprit mine :

— Craintif ? pas plus qu’un autre, vous savez ! mais les bêtes sont les bêtes et je ne tiens pas à me faire aplatir.