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la guerre des boutons


s’étaient copieusement rossées, fustigées et lapidées, car tous les automnes et tous les hivers ça recommençait.

Les Longevernes[1] s’avançaient habituellement jusqu’au contour, gardant la boucle du chemin, bien que l’autre côté appartînt encore à leur commune et le bois de Velrans aussi, mais comme ce bois était tout près du village ennemi, il servait aux adversaires de camp retranché, de champ de retraite et d’abri sûr en cas de poursuite, ce qui faisait rager Lebrac :

– On a toujours l’air d’être envahi, nom de D… !

Or, il n’y avait pas cinq minutes qu’on avait fini son pain, que Camus le grimpeur, posté en vigie dans les branches du grand chêne, signalait des remuements suspects à la lisière ennemie.

– Quand je vous le disais, constata Lebrac ! Calez-vous, hein ! qu’ils croient que je suis tout seul ! Je m’en vas les houksser[2] ! kss ! kss ! attrape ! et si des fois ils se lançaient pour me prendre… hop !…

Et Lebrac, sortant de son couvert d’épines, la conversation diplomatique suivante s’engagea dans les formes habituelles :

(Que le lecteur ici ou la lectrice veuille bien

  1. On désigne souvent les habitants d’un pays par le nom de leur village ou du hameau qu’ils habitent ; quelquefois on ajoute un diminutif en ot, qui se veut toujours injurieux.
  2. Exciter contre quelqu’un, se dit surtout des chiens.