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la guerre des boutons


aux foires de Morteau ou de Maîche et s’en retournaient dans le pays bas. Ils voyageaient la nuit ; peut-être se cachaient-ils, surtout s’ils avaient volé des bêtes. Toujours est-il que comme ils passaient là-haut par les pâtures de Chasalans, une des vaches qu’ils emmenaient s’est mise à meugler, à meugler, puis elle n’a plus voulu marcher ; elle s’est « accouté le cul » comme un « murot » et elle est restée là à meugler toujours. Les autres ont eu beau tirer sur la longe et lui flanquer des coups de trique, rien n’y a fait, elle n’a plus bougé ; au bout d’un moment elle s’est fichue par terre, s’est allongée toute raide ; elle était crevée, foutue.

« Les « types » ne pouvaient pas l’emporter, à quoi leur aurait-elle servi ? Ils n’ont rien dit du tout, et comme c’était la nuit, loin des villages — ni vu, ni connu je t’embrouille — ils ont fichu le camp et on ne les a jamais revus et on n’a jamais su ni qui ils étaient, ni d’où ils venaient.

« Faut dire que c’était en été que ça se passait.

« À ce moment-là c’étaient les Velrans qui pâturaient les communaux de Chasalans et qui faisaient les coupes du bois qu’on a toujours appelé depuis bois de Velrans, le bois ousqu’ils viennent pour nous attaquer, pardié !

— Ah ! ah ! interrompirent des voix. C’est bien le nôtre pourtant, ce bois-là, nom d. D… !