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la guerre des boutons


toujours d’avance combien qu’elle en aura le soir. S’il en manquait un, ça ferait un beau rafut dans la cambuse !

– Y a encore un moyen qu’est le meilleur. Je vous le recommande à tertous.

Voilà, c’est quand le père prend la cuite. J’suis content, moi, quand je vois qu’il graisse ses brodequins pour aller à la foire à Vercel ou à Baume.

Il dîne bien là-bas avec les « montagnons » ou les « pays bas », il boit sec, des apéritifs, des petits verres, du vin bouché ; en revenant il s’arrête avec les autres à tous les bouchons et avant de rentrer il prend encore l’absinthe chez Fricot. Ma mère va le chercher, elle est pas contente, elle grogne, ils s’engueulent chaque fois, puis ils rentrent et elle lui demande combien qu’il a dépensé. Lui, il l’envoie promener en disant qu’il est le maître et que ça ne la regarde pas et puis il se couche et fout ses habits sur une chaise. Alors moi, pendant que la mère va fermer les portes et « clairer les bêtes », je fouille les poches et la bourse.

Il ne sait jamais au juste ce qu’il y a dedans ; alors c’est selon, je prends deux sous, trois sous, quatre sous, une fois même j’ai chipé dix sous, mais c’est trop et j’en reprendrai jamais autant parce que le vieux s’en est aperçu.

– Alors, il t’a foutu la peignée, émit Tintin.

– Penses-tu, c’est la mère qui a reçu la danse, il