Page:Pensées de Marc-Aurèle, trad. Couat.djvu/240

Cette page n’a pas encore été corrigée


Deuxièmement, considérer ce que sont les hommes, à table, dans leur lit, et ainsi de suite ; — principalement, à quelles nécessités leurs principes les assujettissent, et tout ce qu’ils font, avec quel orgueil ils le font.

Troisièmement, si les hommes agissent ainsi avec raison, il ne faut pas s’indigner ; si ce n’est point avec raison, c’est évidemment malgré eux et par ignorance. C’est malgré elle, en effet, que toute âme est privée tant de la vérité que du pouvoir d’attribuer à chaque chose sa vraie valeur. Voilà pourquoi ils s’indignent qu’on les appelle injustes, ingrats, cupides, bref, coupables à l’égard de leur prochain.

Quatrièmement, considère que tu es coupable toi-même et que tu es un homme pareil à eux; si tu t’abstiens de quelques-unes de leurs fautes, tu n’en as pas moins l’aptitude à les commettre, bien que tu les évites par lâcheté, par vanité ou par l’effet de quelque vice semblable.

Cinquièmement, tu ne sais pas même exactement s’ils sont coupables, car on agit souvent par ménagement. Enfin, il faut s’être d’abord beaucoup informé avant de se prononcer en connaissance de cause sur les actes d’autrui.

Sixièmement, quand tu te laisses aller à l’indignation ou à l’impatience, réfléchis que la vie de l’homme a une durée imperceptible et que bientôt nous sommes tous étendus dans le tombeau.


i. [Cf. supra X, i3; X, 19, etc.]

2. [oia; àvayxa; Soy|iâTwv xei|jiva; ë^ouaiv. Couat: «à quels bas principes ils obéissent.»—Cette traduction est, d’ailleurs, contestée par son auteur lui-même, qui, à la suite, a marqué un point d’interrogation. Il semble peu probable, en effet, que xei|jiva; puisse signifier ici, puisse même jamais signifier de lui-même « bas » ou « vil ». Il est bien plus naturel de donner à ce participe le sens usuel qu’il a, par exemple, quand il qualifie vo|«>i («les lois établies»). ’Avâvxa; désigne non seulement des obligations, mais de véritables fatalités. Nous disons en français: «la fatalité de la passion. » Cette expression peut faire comprendre celle de Marc-Aurèle: àvay/.a; SoylioiTwv. Cf. aussi dans Euripide (Phén., 1000) : àvciyxr, Sai|iôvwv.]

3. [Cf. supra II, 1 ; VII, 22, etc.]

4. [Mot de Platon, déjà cité (VII, 63).]

5. [Peut - être a-t-on un peu hâtivement corrigé en î\ii noir,Tixr,v la leçon de A: ëÇiv énOKjTixr.v. Nous avons rencontré ce dernier mot dans la définition stoïcienne de la Sùvoi|ili; (supra X, 26, note l\). La correction importe assez peu, d’ailleurs, au sens du passage.]

6. [On pourrait écrire aussi : « par politique. » Telle est précisément la traduction qu’Aug. Couat lui-même a donnée du mot oîxovo|u’a, à la dernière pensée du livre IV.]

7. [Sur le sens de xaTaXï|imxûx; et la correction que propose, à tort, Reiske: xaTaXr)xTixô;, cf. supra VII, i3, 3" note.]

Septièmement, leurs actions1 ne nous tourmentent pas; elles