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LIVRE XII, § XXVII.

XXVII

Repasser sans cesse en sa mémoire le souvenir de ceux qui se sont signalés[1] par la fureur de leurs emportements, par l’éclat de leur gloire, par l’excès de leurs malheurs, par leurs rivalités, ou par des destinées extraordinaires en quelque genre que ce soit ; puis se demander : « Où tout cela est-il maintenant[2] ? » Fumée, poussière, bruit de paroles vaines, et plus même de bruit. Qu’on se représente encore, si l’on veut, tout ce côté des choses : un Fabius Catullinus, retiré dans sa campagne, un Lucius Lupus dans ses jardins, un Sterlinius à Baies, un Tibère à Caprée[3], un Vélius Rufus, ou telles autres personnes, si vantées en quelque façon qu’elles le fussent. Que le but de tant d’efforts était misérable ! Et qu’il

  1. Le souvenir de ceux qui se sont signalés. Les exemples les plus illustres sont aussi les plus frappants et les plus instructifs. C’est pour arriver à bien juger des choses de ce monde et à ne pas leur donner plus d’importance qu’elles n’en ont.
  2. Où tout cela est-il maintenant ? Plus haut, liv. III, § 3, Marc-Aurèle a passé en revue quelques-uns des plus grands hommes, pour montrer que, quelque grands qu’ils soient, ils n’échappent pas à la misère et à la loi commune.
  3. Un Tibère à Caprée. Ceci semble indiquer clairement en quel sens il faut prendre les citations qui sont faites ici de ces personnages tous inconnus. Les jouissances, même les plus forcenées, ne font que prouver encore le néant de l’homme, en y ajoutant la