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LIVRE IV, § XL.

tout ce qui peut indifféremment atteindre celui-là même qui vit selon la nature, n’est ni selon la nature, ni contre ses lois.

XL

Se représenter continuellement le monde[1] comme un seul être animé, qui ne renferme qu’une seule substance et qu’une seule âme ; essayer de comprendre comment toutes choses doivent se rapporter à une perception unique, qui est la sienne ; comment c’est lui qui fait tout par une unique impulsion ; comment chaque détail coopère réciproquement à tout ce qui arrive ; et enfin comment tout s’enchaîne et tout est solidaire dans l’ensemble de l’univers[2].

  1. Se représenter continuellement le monde. C’est ici un des côtés faibles de la métaphysique stoïcienne. Elle n’a jamais assez complètement distingué Dieu et le monde ; et, tout en croyant fermement à la Providence, elle paraît ignorer les conditions essentielles d’une intelligence toute-puissante. De là, des accusations de panthéisme trop spécieuses, quoiqu’au fond elles soient moins méritées qu’elles ne le semblent, comme on peut s’en convaincre par la lecture de Sénèque.
  2. Dans l’ensemble de l’univers. Régi, après avoir été créé, par un Dieu personnel et souverainement intelligent.