Page:Pellissier - Études de littérature et de morale contemporaine, 1905.djvu/285

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
275
ET DE MORALE CONTEMPORAINES

arts. C’est dans cet esprit qu’il a fait le Siècle de Louis XIV et Pierre le Grand. Et l’Essai sur les mœurs, sa principale œuvre d’historien, est entièrement l’œuvre d’un philosophe. Il y retrace le cours de l’évolution sociale à travers les âges. Il montre, d’époque en époque, un progrès universel, qui peut bien s’arrêter parfois, qui comporte même des reculs passagers, mais par lequel le monde n’en marche pas moins, à regarder les choses de haut et largement, vers la justice, la vérité, le bonheur.

Voyez, maintenant, les romans de Voltaire. Micromégas rabaisse la vanité humaine, l’Ingénu oppose la nature et la civilisation, l’Homme aux quarante écus est une leçon d’économie politique et sociale, Candide raille un optimisme béat et stérile. Voyez ses poèmes : la Henriade a été faite pour inspirer l’horreur des persécutions ; les Discours sur l’homme ne sont autre chose qu’un traité de morale ; les Épîtres, des sermons, « un Carême, dit-il, prêché par le père Voltaire. » Quant à son œuvre théâtrale, il met de la philosophie jusque dans l’opéra, — car Pandore est, si nous l’en croyons, « un opéra philosophique », — et ses tragédies servent presque toutes à la propagande d’émancipation. Voltaire a toujours considéré le théâtre comme une école, une école de vertu civique et sociale. Œdipe renferme maints traits de hardi scepticisme ; Brutus et la Mort de César font haïr la tyrannie ; Alzire célèbre le véritable esprit du chrétien, « qui regarde les hommes comme des frères. » D’autres pièces sont uniquement des œuvres de combat : dans Mahomet, il attaque le fanatisme ; dans les Scythes, il met en contraste les mœurs d’un peuple libre avec celles des courtisans ; dans les Lois de Minos enfin, il