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l’empire est sorti. Pour qu’une armée française pût commettre, contre des Français, de telles atrocités, il la fallait commandée par les condottieri dévots du coup d’État.

Par là encore, la semaine de Mai se rattache à un grave problème de politique générale. La question militaire y est tout entière engagée. Il faut choisir entre une armée nationale, formée contre l’étranger, et une armée politique, dirigée contre la nation. Les mêmes soldats ne peuvent avoir les deux rôles.

C’est la logique terrible des choses, qui a voulu que l’armée du coup d’État devînt l’armée de Sedan, et que l’armée de Sedan vengeât ses désastres dans le massacre de Paris. Il ne peut plus y voir ni discipline, ni travail sérieux, ni notion austère du devoir, parmi les officiers qui se sentent les maîtres politiques du pays, parmi les prétoriens qui se savent destinés à combattre surtout des émeutes.

Or, l’effet du 2 décembre fut de donner à l’armée ce caractère antinational ; de là, les généraux si incapables, si vite découragés devant l’ennemi, mais si cruels aux Français. Et depuis lors, quel fut l’effort constant des monarchistes ? De rendre à l’armée ce détestable caractère. Tel fut le crime impuni du 16 mai ; telle fut aussi la tentative de l’Assemblée de 1871 qui, après avoir réformé contre la Commune l’armée politique de l’empire, complétait son œuvre par la disgrâce des officiers glorieusement connus par leurs services contre les Prussiens, les Denfert, les Cremer, etc.

Le patriotisme de la grande masse de l’armée, stimulé par les terribles revers de 1870, fit échouer toutes ces tentatives. Même dans cette hideuse prise de Paris, beaucoup virent avec horreur le rôle qu’on leur imposait, et diminuèrent le mal dans la mesure du possible.