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ŒUVRES POSTHUMES où on se retrouve, où tout le monde et surtout l'hon- nête homme y retrouve son compte, cette idée fausse et naturellement régnante, cette idée dominante est encore tout autrement fausse, infiniment plus. Quand on dit que la justice n'est point de ce monde on va beaucoup plus loin, on signifie infiniment plus. On veut dire que l'événement et la justice, (il faut mettre l'événement le premier), l'ordre de l'événement et l'ordre de la justice ont en eux et entre eux une con- trariété native, une incompatibilité, une inconciliabi- lité ; que tous ces deux ordres ont une contrariété inté- rieure telle, une répulsion, si profonde, si intérieure pour ainsi dire, et qui atteint si profondément aux sources, aux forces vives, aux sources vives, aux ra- cines dans la terre, au cœur même de l'arbre, que nulle entente, que nul recouvrement n'est à chercher, n'est à espérer entre eux. Que l'iniquité ne règne pas seule- ment en souveraine sur terre, mais en souveraine la plus profondément légitime. Et même habituée. L'évé- nement, l'histoire est toujours injuste, je le sais, moi l'histoire. Quand elle n'est pas cruelle. Et elle n'est pas injuste et cruelle arbitrairement, fragmentairement, par oubli, mais essentiellement et dans sa racine même. Loin que ce soient les injustices de l'histoire qui soient extraordinaires, qui fassent tache et qui soient difficiles à expliquer, qu'il faille expliquer, ce sont au contraire les justices, les prétendues justices de l'histoire qui ne sont qu'apparentes, non réelles, superficielles, non profondes ; ce sont ces (apparentes) justices de l'his-

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