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ŒUVRES POSTHUMES en ce qu'elle est temporelle. Elle obtiendra toujours, bon gré mal gré, volens nolens, un accomplissement perpétuel, un achèvement, un couronnement perpétuel- lement éternel, perpétuellement incomplet lui-même, perpétuellement inachevé, que peut-être, que sans doute elle ne demandait pas; à laquelle elle pouvait ne pas tenir; à laquelle généralement elle ne tenait certaine- ment pas ; l'auteur aimant bien, l'ignorant, le sot, le d'avance déçu, — le plus grand génie du monde, — être maître chez lui. Comme si l'homme jamais pou- vait être maître chez lui, ni même être chez lui dans aucune maison. Car dans les maisons temporelles il est du jeu même du mécanisme temporel qu'il ne soit jamais chez lui, qu'il n'obtienne, qu'il n'atteigne jamais d'être chez lui; et dans l'autre maison il est dans la maison d'un autre. Vouloir être maître chez soi, avoir même cette imagination, quelle vanité. C'est en vain que le maître a fermé sa porte. Le maître a laissé l'œuvre dans son atelier, mon cher Pierre Laurens, et il a fermé l'oeuvre dans son atelier; et il a fermé son atelier sur son œuvre ; et il a enfin fermé sa porte sur son atelier; et il n'a point laissé la clef sur la porte; voyez, la clef n'est point dans (le trou de) la serrure, nous ne pour- rons pas entrer; et la clef n'est point non plus chez le concierge, pendue au tableau ; et l'auteur voudrait bien qu'on lui laisse la paix, il a tant fait pour avoir cette paix, qu'on lui fiche un peu la paix, n'est-ce pas, puis- qu'il a fini ; parce qu'il a beaucoup travaillé, pour faire cette œuvre, et qu'il est éreinté; il a mal à la tête; il

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