Page:Peguy oeuvres completes 08.djvu/265

Cette page n’a pas encore été corrigée

G L I

qui manquent d'âme. Le monde antique ne manquait point d'âme. Il ne manquait point de son âme. Il était plein, ilétait nourri de l'âme la plus pieuse, la plus pure, il faut dire le mot, la plus sacrée. Un triple berceau tem- porel avait été préparé, (charnel, spirituel), et il faut croire que ce n'était pas de trop. Et il faut croire qu'il n'en fallait pas moins. Et il faut croire que c'était bien ainsi, puisqu'un triple berceau temporel avait été pré- paré. Et ce n'est pas à nous d'en oublier, ou d'en négliger, ou d'en mépriser, ou d'en méconnaître un seul, puis- qu'en fait un triple berceau temporel avait été préparé. Israël apporta Dieu, le sang de David, la longue lignée des prophètes. Rome apporta Rome, la voûte romaine, la légion, l'empire, le glaive, la force temporelle. Rome apporta le glaive, Israël apporta l'horreur du glaive, Couverte gladium tuum in locum suum. Rome apporta le lieu, Israël ayant apporté le temps. Rome apporta l'habitacle, Israël ayant apporté le tabernacle. Rome apporta l'habitat, le climat, les préfets, Israël ayant apporté la race et l'horreur des préfets. Mais Homère et Platon avaient apporté précisément ce que vous essaierez de dire dans votre Essai sur la pureté antique . Pour une longue journée, Péguy, vous retiendrez votre âme païenne. Ensuite elle ne s'évanouira que trop tôt. Il ne s'agit point de réhabiliter les dieux. Ils sont indéfendables. Mais le monde qui était dessous, le monde qu'ils surplombaient était peut-être, est peut- être, défendable, mérite peut-être qu'on ne le confonde point avec eux, vaut peut-être qu'on lui conserve son

255

�� �