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C L I ment, aucun masque, aucune connivence. Pour dire le mot, aucune adhésion, aucun acquiescement, aucune bonne volonté. Aucune complaisance. Aucune bonté. Or voyez l'inconséquence. Le même homme. Cet homme a naturellement un fils de quatorze ans. Or il n'a qu'une pensée. C'est que son fils soit heureux. Il ne se dit pas que ce serait la première fois ; que ça se verrait. 11 ne se dit rien du tout, ce qui est la marque de la pensée la plus profonde. Cet homme est ou n'est pas intellectuel. Il est ou il n'est pas philosophe. Il est ou il n'est pas blasé. (Blasé de peine, c'est la pire débauche). Il a une pensée de bête. Ce sont les meilleures. Ce sont les seules. Il n'a qu'une pensée. Et c'est une pensée de bête. Il veut que son fils soit heureux. Il ne pense qu'à ceci, que son fils soit heureux. Il a une autre pensée. Il se préoccupe uniquement de l'idée que son fils a (déjà) de lui, c'est une idée fixe, une obsession, c'est- à-dire un siège, un blocus, une sorte de scrupuleuse et dévorante manie. Il n'a qu'un souci, le jugement que son fils, dans le secret de son cœur, portera sur lui. Il ne veut lire l'avenir que dans les yeux de ce fils. Il cherche le fond des yeux. Ce qui n'a jamais réussi, ce qui n'est jamais arrivé, il est convaincu que ça va arriver cette fois-ci. Et non seulement cela, mais que ça va arriver comme naturellement et planement. Par l'effet d'une sorte de loi naturelle. Or je dis, dit l'his- toire, que rien n'est aussi touchant que cette perpé- tuelle, que cette éternelle, que cette éternellement renaissante inconséquence ; et que rien n'est aussi beau ;

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