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OEUVRES POSTHUMES L'histoire a les bras longs, mais elle n'a pas de bras. Une telle ignorance est déjà, fait déjà un commence- ment d'innocence. Une telle misère, c'est déjà que la chrétienté vient. Une telle détresse est un commence- ment de vertu. Dieu aime peut-être mieux ceux qui subissent la vertu que ceux qui en parlent. Et il n'y a peut-être rien de plus touchant pour un cœur chrétien, et rien de si désarmant pour Dieu qu'une infirmité si parfaite et presque si ostentatoire, une faiblesse aussi profonde et aussi organique, en somme aussi avouée, une misère aussi évidente, une détresse aussi achevée. Celui qui subit une vertu est peut-être plus que celui qui la pratique. Car celui qui la pratique la pratique seulement, ne fait que la pratiquer. Mais celui qui la subit est peut-être plus, fait peut-être plus. (Elle entrait ainsi, elle entrait en ceci dans une vue chrétienne, dans l'esprit chrétien même en ce qu'il a peut-être de plus profond et de plus spécifiquement chrétien). Car celui qui pratique la vertu, dit-elle, se désigne lui- même pour la pratiquer. Mais celui qui la subit est peut-être désigné d'ailleurs. Et celui qui pratique la vertu n'en est que le père et l'auteur ; mais celui qui la subit en est le fils et l'œuvre. Voyez, dit-elle, cet homme de quarante ans. Nous le connaissons peut-être, Péguy, notre homme de quarante ans. Nous commen- çons peut-être à le connaître. Nous commençons peut- être à en entendre parler. Il a quarante ans, il sait donc. La science que nul enseignement ne peut don- ner, le secret que nulle méthode ne peut prématuré

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