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que cette déconcertante espérance que ces malheureux s'acharnent à placer dans d'autres malheureux. Cette confiance, cette sorte de crédit, cette espérance qu'ils se font de génération en génération. Cette sorte de report, de crédit, de confiance, d'espérance. Je veux dire de report de crédit, de report de confiance, de report d'espérance. En somme cette naïveté. Mais par suite cette innocence. Que ces malheureux fassent incessam- ment appel à de non moins malheureux, fassent inces- samment crédit à de non moins malheureux, fassent incessamment confiance à de non moins malheureux, demandent incessamment à de non moins malheu- reux et leur justification, et leur consécration, et leur glorification, c'est-à-dire et leur absolution, unique- ment parce que ces autres malheureux, parce que ces deuxièmes malheureux seront leurs fils, parce que ces deuxièmes malheureux viendront après eux dans le temps, seront des générations suivantes, seront la postérité, jiosleri ; cet acharnement inouï, enfantin, à se faire juger, glorifier, consacrer, absoudre par desêtres qui ne seront pas plus qu'eux, par des êtres qui auront la même nature, les mêmes limites, la même faiblesse, la même incompétence, uniquement parce que ces autres seront leurs fils, seront des nouveaux, seront des successeurs et des héritiers; une si parfaite naïveté; un tel enfan- tillage; un si parfait cercle vicieux, s'il est encore per- mis de donner ce nom, à la limite, à un cercle vicieux parfaitement allongé en une sorte de droite indé- finie qui est la ligne même du temps, ou plutôt la ligne

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