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ŒUVRES POSTHUMES soit saisissable. Alors ils disent que c'est la source. (Car ces desséchés ne parlent que de sources). C'est-à- dire ils disent que c'est la première édition en tout, et dans cette première édition ils disent que c'est le premier exemplaire en tout. C'est de là qu'ils com- mencent à compter. C'est de là qu'ils commencent à dater l'œuvre. C'est de là qu'ils commencent à cadrer le génie. Pauvres fils. Saurons-nous jamais combien de fois et en combien de langages et sous combien de formes l'œuvre s'est jouée avant que de tomber sur le papier, cette fois-ci, sous cette forme, dans ce langage du papier. Cette fois, que vous dites la première, elle entre en série parmi des fois innombrables. Elle n'est point une origine, elle n'est pas un point de source, elle n'est pas une création de rien. Ce langage, que vous dites le premier, entre en série parmi d'innombrables langages. Cette forme, que vous dites la première, entre en série parmi d'innombrables formes. Rassurez-vous, mes enfants, leur dit-elle, et modérez votre audace tac- tile. Ce qui vous est saisissable n'est peut-être point tout ce qui est et les sources ne sont peut-être point pour votre fin museau.

Il s'ensuit qu'un manuscrit n'est point un absolu, dit-elle. Un manuscrit ne fait point un commencement absolu. Par conséquent il n'est point non plus un par- fait, il ne fait point non plus un parfait. Étant deux divi- sions, ils étaient deux colonnes. Étant un manuscrit, étant une édition lui-même il est faillible. Comme un autre, comme une autre édition, comme un autre exem-

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