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le corps ; les muscles, très-enflammés, pleins de sérosité, montrant même un peu partout des globules de pus, sont comme pétris des deux organismes.

Par un artifice analogue, on peut combiner les effets de la bactéridie charbonneuse et du microbe générateur de pus, et obtenir également la superposition de deux maladies, c’est-à-dire un charbon purulent ou une infection purulente charbonneuse. Toutefois, il ne faut pas exagérer la prédominance de l’action du microbe nouveau sur celle de la bactéridie ; si le microbe est associé à celle-ci en suffisante proportion, il peut l’étouffer complètement, c’est-à-dire empêcher qu’elle ne se multiplie dans le corps. Le charbon n’apparaît pas, et le mal, tout local, se réduit à la formation d’un abcès dont la guérison est facile. Le microbe générateur de pus et le vibrion septique étant tous deux anaérobies, d’après nos démonstrations de tout à l’heure, on comprend que le septique ne soit pas beaucoup gêné par son voisin. Les aliments nutritifs, liquides ou solides, ne manquent guère dans l’organisme pour de si petits êtres. Mais la bactéridie charbonneuse est exclusivement aérobie, et la proportion d’oxygène est loin d’être répandue à profusion en tous les points du corps ; du moins mille circonstances peuvent la diminuer ou la supprimer, ici ou là, et comme le microbe générateur de pus est également un être aérobie, on comprend que par sa quantité un peu exagérée à côté de la bactéridie, il puisse enlever facilement à celle-ci l’oxygène qui lui est nécessaire. Peu importe d’ailleurs l’explication du fait ; il est certain que le microbe dont il s’agit empêche, en certaines circonstances, tout développement de la bactéridie. L’an dernier déjà nous avions rencontré un fait de tout point semblable à celui-ci.

En résumé, on voit par les détails qui précèdent que l’on peut produire à volonté des infections purulentes exemptes de tout élément putride, des infections purulentes putrides, des infections purulentes charbonneuses, des combinaisons variables de ces sortes de lésions, selon les proportions des microbes spécifiques que l’on fait agir sur l’organisme vivant.

Tels sont les principaux faits que j’avais à communiquer à l’Académie, en mon nom et au nom de mes collaborateurs, MM. Joubert et Chamberland.