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charbon aux poules en abaissant la température de leur corps. La réussite de l’expérience fut immédiate. Qu’on inocule une poule avec la bactéridie charbonneuse et qu’on la place les jambes plongées dans l’eau à 25 degrés, ce qui suffit pour que la température de tout son corps descende à 37-38 degrés, température des animaux susceptibles de prendre le charbon, et en 24 ou 30 heures la poule meurt, tout son corps envahi par la bactéridie charbonneuse. Certaines expériences inverses nous ont déjà donné des résultats favorables, c’est-à-dire qu’en élevant la température d’animaux qui contractent le charbon, nous avons pu les préserver de cette affreuse maladie, aujourd’hui sans remède.

Accroître ou limiter la puissance grandiose de ces infiniment petits et confondre le mystère de leur action par un simple changement de température, est un des faits les plus propres à montrer ce qu’on peut attendre des efforts de la science, même dans l’étude des maladies les plus obscures.

Revenons encore à notre vibrion septique et comparons-le, sous le rapport de la formation de ses germes, à la bactéridie charbonneuse, afin de mieux porter dans les esprits cette conviction que les organismes microscopiques jouissent de propriétés physiologiques variées et qu’il faut s’attendre de leur part à des manifestations morbides très-diverses.

Des expériences précises nous ont appris que le vibrion septique, non-seulement peut vivre et se multiplier dans le vide le plus parfait comme dans l’acide carbonique le plus pur, mais qu’il y donne ses germes, et que le gaz oxygène libre n’est obligé d’intervenir en quoi que ce soit dans leur formation. Au contraire, la bactéridie charbonneuse, en présence du vide ou de l’acide carbonique, est absolument impropre non-seulement à vivre, ceci nous le savons, mais à se transformer en corpuscules-germes. Cette dernière recherche est toutefois des plus délicates. Si peu qu’il reste d’air dans les tubes où on fait le vide et où l’on cultive la bactéridie charbonneuse, des corpuscules germes apparaissent, à tel point que les pompes à mercure les plus parfaites sont souvent insuffisantes à prévenir le phénomène. Nous avons dû combiner l’emploi du vide de ces pompes avec celui de liquides propres à absorber les plus faibles traces d’oxygène, avant de pouvoir nous convaincre