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pour nous l’occasion d’observations fort dignes d’intérêt. Ce vibrion est inoffensif. Introduit sous la peau, il n’entraîne que des désordres locaux de peu d’importance. En comparant cette innocuité à la virulence du vibrion septique, on pourrait croire que le mode de vie si différent pour ces deux vibrions, puisque l’un est aérobie et que l’autre est anaérobie, explique l’opposition de leurs actions sur l’économie. Mais les effets de la bactéridie charbonneuse qui, elle aussi, est essentiellement aérobie et néanmoins terrible, ne permettent pas de s’arrêter à cette supposition. Si ce vibrion aérobie est inoffensif, c’est qu’il ne peut vivre à la température du corps des animaux. Vers 38 degrés déjà, ses mouvements et sa multiplication sont suspendus, et une fois inoculé il disparaît sous la peau comme digéré, si l’on peut ainsi dire.

Les nouveautés scientifiques se heurtent souvent à des préjugés. Qu’importent donc, s’écrient certaines personnes, vos bactéries et vos vibrions ! Ne voit-on pas ces infiniment petits pulluler partout ? Ne les voit-on pas abonder sur les linges des pansements, recouvrir même les plaies en voie de guérison ? En résulte-t-il le moindre danger ? De quels infiniment petits parlez-vous, répondrai-je ? Nous venons d’avoir la preuve qu’à côté des vibrions les plus dangereux il en existe de fort innocents, et certes ces derniers sont loin d’être les seuls microbes dépourvus de toute virulence.

Conduits par la constatation de la cause de l’innocuité du vibrion aérobie dont je viens de parler, à instituer des expériences nombreuses sur les limites de résistance des êtres microscopiques à diverses températures, et ayant reconnu que la bactéridie charbonneuse ne se développe pas, ou très-péniblement, à des températures de 43-44 degrés dans certains liquides de culture, nous avons pensé que telle était peut-être l’explication d’un fait bien connu, quoique fort mystérieux, à savoir, que certains animaux sont réfractaires à la maladie charbonneuse. Il nous avait été impossible, dans nos expériences de l’an dernier, de donner le charbon à des poules. La température d’environ 42 degrés de ces gallinacés, jointe à la résistance vitale, ne s’opposerait-elle pas au développement de la bactéridie charbonneuse dans le corps de ces animaux ? Si cette conjecture était fondée, nous devrions pouvoir donner facilement le