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POUR LES CURÉS DE PARIS.


pour la seule volupté, et de jouir des contentemens des sens comme de choses indifférentes ; » à ceux qui sont dans les occasions prochaines des plus damnables péchés, « d’y demeurer, quand ils n’ont pas facilité de les quitter ; » à ceux qui ont vieilli dans l’habitude des vices les plus énormes, « de s’approcher des sacremens, quoique avec une résolution si foible de changer de vie, qu’ils croient eux-mêmes qu’ils sont pour retomber bientôt dans leurs crimes, et sans autre regret de les avoir commis que pour le seul mal temporel qui leur en est arrivé ; » enfin, ils auront permis aux chrétiens tout ce que les juifs, les païens, les mahométans et les barbares auroient en exécration ; ils auront répandu dans l’Église les ténèbres les plus épaisses qui soient jamais sorties du puits de l’abîme ! Et nous n’oserons faire paroître, pour les dissiper, le moindre rayon de la lumière de l’Évangile, sans que la société en corps s’élève et déclare : que ce ne peuvent être que des séditieux et des hérétiques qui parlent de la sorte contre leur morale ; que leur doctrine « étant la vraie doctrine de la foi, ils sont obligés en conscience, quelque dévoués qu’ils soient aux souffrances et à la croix, de décrier les factieux et les schismatiques qui l’attaquent : » qu'en cela ils ne parlent pas contre nous, parce que nous avons trop de piété pour être auteurs d’une pièce qui les combat ; et qu’autrement nous serions coupables de troubler la paix et la tranquillité de l’Église, en les inquiétant dans la libre publication de leurs doctrines !

C’est ainsi qu’ils essayent de nous décrier comme des adversaires de la tranquillité publique. « Qui pourroit croire, disent-ils, que MM. les curés, qui, par le devoir de leurs charges, sont les médiateurs de la paix entre les séculiers, soient les auteurs d’un écrit qui veut jeter le schisme et la division entre eux et les religieux ? » Et dans la suite : « L'esprit de Dieu et la piété chrétienne est-elle aujourd’hui réduite à porter les disciples de l’Agneau à s’entre-manger comme des loups ? » Et ainsi ils font de grands discours pour montrer qu’ils veulent la paix, et que c’est nous qui la troublons.

Que l’insolence a de hardiesse, quand elle est flattée par l’impunité ; et que la témérité fait en peu de temps d’étranges progrès, quand elle ne rencontre rien qui réprime sa violence ! Ces casuistes, après avoir troublé la paix de l’Église par leurs horribles doctrines, qui vont à la destruction de la doctrine de Jésus-Christ, comme disent nos seigneurs les évêques, accusent maintenant ceux qui veulent rétablir la doctrine de Jésus-Christ, de troubler la paix de l’Église. Après avoir semé le désordre de toutes parts, par la publication de leur détestable morale, ils traitent de perturbateurs du repos public ceux qui ne se rendent pas complaisans à leurs desseins, et qui ne peuvent souffrir que ces pharisiens de la loi nouvelle, comme ils se sont appelés eux-mêmes, établissent leurs traditions humaines sur la ruine des traditions divines.

Mais c’est en vain qu’ils emploient cet artifice. Notre amour pour la paix a assez paru par la longueur de notre silence. Nous n’avons parlé que quand nous n'eussions pu nous taire sans crime. Ils ont abusé de cette paix pour introduire leurs damnables opinions, et ils voudroient maintenant en prolonger la durée, pour les affermir de plus en plus.