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lancelot du lac.

pour juger de la vérité de ce rapport, et je vois que vous manquez des trois grandes vertus du prud’homme : le sens, la débonnaireté, la courtoisie.

— Si je ne les ai pas, vous avez, demoiselle, juste raison de tenir faible compte du reste. Il peut m’être arrivé d’agir en fou, en félon, en vilain ; mais je n’en ai pas gardé le souvenir.

— Il faut donc vous le rappeler. N’est-il pas vrai que vous retenez en prison les deux enfants du roi Bohor ? pourtant, tout le monde sait qu’ils ne vous ont jamais fait dommage. N’est-ce pas une manifeste félonie ? Les enfants réclament surtout les soins, la douceur, l’indulgence : comment serait débonnaire celui qui les traite avec rudesse et injustice ? Vous n’avez pas plus de sens que de bonté ; car, si l’on parle des fils du roi Bohor, vous donnez à penser que votre intention est d’abréger leurs jours ; on les prend en pitié, et l’on vous hait, à cause d’eux. Est-il sage de donner sujet à tous les gens honnêtes de vous accuser de déloyauté ? Si vous aviez en vous la moindre courtoisie, ces deux enfants, dont la naissance est plus haute que la vôtre, seraient ici, à la première place et traités en fils de roi. On vanterait alors la gentillesse qui vous ferait tenir les orphelins en honneur, tant qu’ils