Page:Paris, Paulin - Romans de la Table Ronde, tome 1.djvu/98

Cette page a été validée par deux contributeurs.
93
LE LIVRE LATIN DU GRAAL.

ques l’ont déjà reconnu, Robert de Boron. Robert de Boron n’est cependant pas l’auteur du roman[1] du Saint-Graal, comme l’ont dit et répété les assembleurs ; il n’a fait que le poëme de Joseph d’Arimathie.

Ce roman en vers est fondé sur une tradition que j’appellerais volontiers l’Évangile des Bretons, et qui remontait peut-être au troisième ou quatrième siècle de notre ère. Le pieux décurion qui avait mis le Christ au tombeau était devenu, sous la main des légendaires, l’apôtre de l’île de Bretagne. Il avait miraculeusement passé la mer, était venu fonder sur la Saverne, dans le Sommersetshire, le célèbre monastère de Glastonbury, et son corps y avait été déposé. Telle était l’ancienne croyance bretonne, et l’on peut voir combien elle était devenue chère à ce peuple, en se reportant aux dernières années du sixième siècle, quand le pape saint Grégoire, à la demande du roi saxon Ethelbert, envoya des prêtres romains pour travailler à la conversion des nouveaux conquérants. Les vieux Bretons s’indignèrent de cette intervention de l’évêque de Rome, qui venait ouvrir les portes du paradis à la race détestée de leurs

  1. Je préviens une fois pour toutes que je laisse au mot roman son ancienne signification de livre écrit en français.