Page:Paris, Paulin - Romans de la Table Ronde, tome 1.djvu/48

Cette page a été validée par deux contributeurs.

avait, tant bien que mal, rendu en latin ce qu’il aurait sans doute exprimé plus clairement dans l’idiome qu’il avait l’habitude de parler. Le latin de Grégoire de Tours, de Frédégaire et du moine de Saint-Gall, ce contemporain de Nennius, n’est pas celui de Suger, de Malmesbury ou de Geoffroy de Monmouth. D’ailleurs, si le livre eût été breton, comment Geoffroy de Monmouth en eût-il reproduit plusieurs passages, retrouvés textuellement dans la rédaction latine ? On dira peut-être encore que Gautier l’archidiacre aura pu traduire le livre breton, et Geoffroy suivre cette traduction ; mais, je le répète, l’archidiacre l’aurait traduit dans un latin moins grossier. Et puis, une fois décidé à feindre l’existence d’un texte breton, afin de pouvoir en amplifier le contenu, Geoffroy devait désirer la suppression, plutôt que la reproduction du livre qui aurait mis à découvert ses propres inventions. Aussi pouvons-nous conjecturer que s’il lui a fait tant d’emprunts plagiaires, c’est dans la conviction que l’exemplaire qu’il avait entre les mains ne serait jamais connu de personne.

Et puis les autres objections qu’on peut faire à l’existence d’une chronique bretonne du neuvième siècle, conservent toute leur force. Pourquoi aurait on écrit ce livre ? Pour ceux qui n’entendaient que le breton ? Mais ceux-là