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LE SAINT-GRAAL.

Le sang coula de part et d’autre ; ils s’atteignirent en cent endroits, tous deux grandement surpris de trouver dans leur adversaire tant de prouesse. Enfin le roi, épuisé de forces, tomba sans mouvement et baigné dans son sang. Pierre aussitôt lui arrachant le heaume : « Reconnaissez, chevalier, que vous êtes vaincu, ou vous êtes mort. — Non, » répond faiblement le roi en ouvrant les yeux, « tu peux me tuer, non me faire dire une seule parole dont je puisse rougir moi et tous les autres rois. — Comment ! sire, » dit Pierre, « seriez-vous donc roi couronné ? — Oui, vous avez vaincu le roi Orcan. » Ces paroles portèrent le trouble et le regret dans le cœur de Pierron. Il tendit au roi son épée : « Ah ! sire, » dit-il, « pardonnez-moi ; je n’aurais jamais jouté contre vous, si je vous eusse connu.

« — En vérité, » reprit Orcan, « voici la première fois que le vainqueur demande grâce au vaincu. Qui êtes-vous donc ? — Sire, un chevalier de terre étrangère, de la cité de Jérusalem. J’ai nom Pierre, et je suis chrétien. L’aventure m’a conduit dans votre château. J’étais en arrivant navré d’une plaie envenimée ; grâce à Dieu, à votre fille et au chrétien, votre prisonnier, j’ai recouvré la santé. J’entendis parler du ban que vous aviez fait crier ; votre fille voulut bien me procurer un