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HISTOIRE DE GRIMAUD.

Grimaud dit au châtelain : « Si vous m’en croyez, sire, vous ferez passer devant le corps des trois victimes tous les gens de cette ville, sans exception. Quand le tour des coupables arrivera, on ne doit pas douter que les plaies qu’ils ont faites ne se rouvrent et ne saignent de nouveau. — Je ferai, » dit le châtelain, « ce que vous demandez. »

Tous les habitants, sans exception d’âge ou de sexe, furent avertis de se rendre sur la place où les corps étaient exposés. À mesure qu’ils passaient, Grimaud leur faisait tourner les talons, sans donner raison de cette action. Quand tous les bourgeois furent passés : « C’est maintenant, » dit Grimaud, « le tour des clercs. » On les avertit, et le clerc roux eut beau se cacher et feindre une maladie, il fallut se présenter comme les autres. À peine parut-il sur la place que les plaies des morts crevèrent et répandirent des ruisseaux de sang. Grimaud s’approcha et lui fit mettre à nu les pieds. « Pourquoi n’avez-vous qu’un talon ? — Parce, » dit l’autre, « que je me suis coupé par mégarde en fendant une bûche. — Vous mentez, » répond Grimaud, vous l’avez perdu au moment où vous veniez de sauter d’une fenêtre, à telle enseigne que je l’ai recueilli ; le voici. » On rapprocha le talon du pied qui l’avait perdu, et le clerc, ne pouvant plus dissimuler, avoua