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HISTOIRE D’IPOCRAS.

L’herbe fut donnée, et le lendemain, de grand matin, le nain se plaça sur la voie que l’on suivait pour aller au temple. Quand la dame de Gaule passa devant lui, il s’approcha, et, tout en riant : « Ah ! Madame, que vous avez la jambe belle et blanche ! Heureux le chevalier qui pourrait la toucher ! » La dame était en petits souliers ouverts que l’on appelle escarpins ; le nain l’arrêta par le pan de son hermine, et, portant l’autre main sur le soulier étroitement chaussé, appliqua l’herbe sur le bas de la jambe, en disant : « Faites-moi l’aumône, Madame, ou donnez-moi votre amour. » La dame passa tête baissée sans mot répondre : mais sous sa guimpe elle ne put se tenir de sourire. Arrivée au temple avec les autres, elle se sentit tout émue et ne put dire sa prière. Elle devint toute rouge, en ne pouvant détourner du nain sa pensée : si bien qu’elle fit un grand effort pour ne pas revenir à l’endroit où il lui avait parlé. Elle ne suivit pas ses demoiselles au retour du temple, mais retourna précipitamment à sa chambre, se jeta sur son lit, fondit en larmes et en soupirs tout le reste du jour et la nuit suivante. Quand vint la minuit, tout éperdue, elle quitta sa couche, et s’en alla seule vers le repaire du nain, dont la porte était demeurée entr’ouverte. Elle y pénétra, comme si elle eût été poursuivie. « Qui est là ? »